Comment concilier croissance économique et protection de l'environnement ?

1Concilier développement économique et protection de l’environnement n’est pas une tâche aisée. Jusqu’à un certain point, les deux préoccupations peuvent apparaître contradictoires. D’une part, beaucoup d’activités économiques ont un impact environnemental négatif : elles utilisent des ressources naturelles dans le processus de production et contribuent à réduire le capital naturel (directement par l’utilisation de ressources épuisables, indirectement en cas de surexploitation de ressources renouvelables). D’autre part, les objectifs de protection de l’environnement peuvent avoir un impact négatif sur le développement économique en contraignant les comportements des entreprises et les consommateurs par des réglementations ou des mesures fiscales.

2Comment analyser l’interaction entre ces deux termes - et leur relation avec le développement durable - sachant qu’ils se télescopent fréquemment ? Doit-on favoriser l’un par rapport à l’autre ? Peut-on se permettre de sortir de la crise économique et financière actuelle en se préoccupant peu des contraintes environnementales ? Est-il préférable de sortir de la crise écologique (réchauffement climatique, perte de biodiversité, croissance globale de l’empreinte écologique, …) en acceptant de se passer de la croissance économique ou à tout le moins de la restreindre ? A long terme, y a-t-il vraiment un compromis possible entre prospérité économique et protection de l’environnement ?

3En l’espace d’un numéro de cette revue, il est bien évidemment impossible de répondre à toutes ces (vastes) questions. Ce volume “Environnement et développement économique” ne se veut donc pas exhaustif et délaisse inévitablement certains thèmes.

4Tout d’abord, le terme développement économique est entendu ici dans un sens relativement restrictif, celui de la croissance économique. Cet a priori est certainement réducteur et fait l’impasse sur des indicateurs alternatifs au PIB qui sont évoqués dans de nombreux ouvrages ou travaux récents comme le rapport de la Commission Stiglitz. Dans les pays les plus pauvres, la croissance économique au sens strict reste toutefois essentielle à l’amélioration des conditions de vie. En outre, sans croissance, et dans n’importe quel pays du monde, l’amélioration du sort des plus défavorisés repose nécessairement sur des politiques de redistribution potentiellement conflictuelles. Si la croissance ne s’accompagnait pas de problèmes environnementaux, sa désirabilité irait probablement de soi ; et lorsque ces problèmes-ci sont mis entre parenthèses, la croissance reste un objectif prioritaire, comme l’illustre l’essentiel du débat public depuis le début de la crise financière récente. Cela ne signifie nullement que les articles qui suivent défendent la possibilité d’une croissance infinie ; au contraire, plusieurs des articles qui suivent soulignent que l’introduction de diverses contraintes écologiques strictes met à mal l’idée d’une certaine forme de croissance perpétuelle.

5Nous avons choisi de ne pas consacrer explicitement d’article à des sujets pour lesquels des ouvrages ou publications existent par ailleurs et sont facilement accessibles. Ainsi, aucun article de ce numéro n’est exclusivement consacré au thème de la politique climatique. On trouvera notamment chez Guesnerie (2010) un excellent survol de cette problématique et des obstacles à l’approfondissement de sa mise en œuvre. De même, Schubert (2009) propose un intéressant tour d’horizon de la question de la taxe carbone.

6Plus largement, aucun article ne cherche à dresser un bilan écologique de la planète et des menaces qui accompagnent la détérioration de nombreux écosystèmes. On trouvera par exemple chez Brown (2011) du Earth Policy Institute une analyse très accessible de ces problèmes et des conséquences économiques qui pourraient en découler. A l’heure qu’il est, l’inquiétude n’est plus réservée aux apôtres du catastrophisme écologique. Dans ses récentes Perspectives de l’Environnement à l’horizon 2050 (2012), publication sous-titrée « Les conséquences de l’inaction », l’OCDE souligne l’urgence à mettre en œuvre des politiques vertes plus ambitieuses. Dans son avant-propos, le secrétaire général de l’institution, Angel Gurria, écrit même : “Les coûts et conséquences de l’inaction sont considérables en termes tant économiques qu’humains. (…) il est urgent de changer notre façon de penser. Si nous ne le faisons pas, l’érosion du capital environnemental dont nous disposons accroîtra le risque de modifications irréversibles qui pourraient annuler deux siècles d’amélioration du niveau de vie”.

7Bien que nous partagions largement l’inquiétude de ces auteurs, nous n’avons pas voulu utiliser ce numéro pour dresser un autre constat d’urgence et plaider pour une (nouvelle) politique environnementale globale. Dans la plupart des articles de ce numéro, nous avons veillé à ce que ce soit privilégiée une analyse positive (plutôt que normative) de la relation entre développement économique et environnement.

8Ce volume se décline en six articles qui traitent respectivement de la confrontation entre la pensée et les faits relative à la relation entre croissance et environnement, de l’introduction de contraintes environnementales et écologiques dans des modèles macroéconomiques de croissance, de l’intégration des variables environnementales dans le cadre élargi de la comptabilité nationale, de l’impact intergénérationnel des politiques environnementales et du choix du taux d’actualisation socialement efficace, des impacts entrepreneuriaux des contraintes environnementales, en particulier du Green IT dans le secteur des TIC (Technologie de l’Information et de la Communication) et enfin, d’une analyse prospective des défis que pose une politique de croissance verte cohérente avec les préceptes du développement durable.

9Le développement de la littérature en économie environnementale a donné naissance à deux courants – l’économie de l’environnement et l’économie écologique – défendant chacun leur paradigme quant aux liens entre croissance ou développement économique, et environnement : le paradigme de la soutenabilité faible pour le premier courant et celui de la soutenabilité forte pour le second. Bertrand Hamaide, Sylvie Faucheux, Martin Neve et Martin O’Connor présentent ces paradigmes et les confrontent au moyen d’une analyse empirique de la courbe environnementale de Kuznets pour les émissions de CO2.

10Jean-François Fagnart et Marc Germain examinent ensuite les réponses de la théorie macroéconomique à la question des limites environnementales à la croissance (finitude des ressources et pollution). Les deux paradigmes mentionnés précédemment restent présents dans leur analyse qui contraste les implications des contraintes environnementales selon qu’on les modélise à la manière des économistes néo-classiques ou à celle des économistes écologiques.

11La dimension macroéconomique reste présente dans la contribution de Guy Vandille qui se penche sur l’intégration de l’environnement dans les comptes nationaux et présente le Système de Comptes Économiques de l’Environnement (SEEA) des Nations unies. Il s’agit d’examiner ici comment les problématiques environnementales sont (ou peuvent être mieux) prises en compte dans un cadre élargi de la comptabilité nationale qui intègre flux environnementaux et dynamique de stocks environnementaux. Quelques applications au cas belge illustrent l’intérêt de ces comptes satellites.

12Les conséquences de certaines problématiques environnementales pourraient ne se manifester qu’au-delà d’un terme relativement long. Ceci pose la question de la correcte prise en compte de l’intérêt des générations futures dans les décisions présentes dont les impacts environnementaux sont différés. Le principe d’actualisation peut en effet conduire à une minimisation de l’importance de tels impacts. Christian Gollier développe un modèle identifiant le taux d’actualisation socialement efficace, en analyse les déterminants et discute des valeurs raisonnables du taux d’actualisation pour des projets économiques à horizon court, plus lointain et de très long terme.

13Une croissance économique soutenable suppose inévitablement que les entreprises aient correctement intégré les préoccupations environnementales dans leur stratégie et aient adapté tant leur (processus de) production que leur organisation, soit en réaction à des politiques environnementales, soit de façon plus proactive. Sophie Liénart et Annick Castiaux mettent en exergue l’importance de l’innovation et de la capacité à répondre aux défis environnementaux pour le maintien d’un avantage concurrentiel. Elles analysent en particulier le secteur des TIC et la stratégie « Green IT », établissant ainsi un lien entre innovation à vocation environnementale et croissance économique « verte ».

14Encourager une croissance verte peut sembler le moyen de concilier développement économique et contraintes écologiques. Edward Barbier explique néanmoins que la croissance verte ne garantit pas le développement durable et insiste sur la nécessité absolue de relever deux défis. Le premier est celui du développement durable proprement dit qui réclame de combattre le phénomène croissant de rareté écologique dû à la dégradation de l’écosystème mondial. L’autre défi est celui du financement des politiques environnementales à mettre en place. L’auteur explique ici qu’il convient de financer l’écart entre les bénéfices reçus de nos écosystèmes et notre consentement à payer pour les conserver. Dans cette optique, il propose différents mécanismes de financement spécifiques et examine les obstacles à leur mise en œuvre pourtant essentielle pour allier protection de l’environnement, croissance et développement durable, ce qui est l’objet de ce volume.

Quelle est la relation entre la croissance économique et l'environnement ?

Les liens entre croissance économique et qualité de l'environnement se concentrent en fait sur cinq éléments: (i) le degré de substituabilité entre actifs naturels et actifs artificiels, (ii) la prise en compte du changement dans les technologies et le capital humain, (iii) le commerce international des ressources ...

Comment concilier la croissance économique avec la préservation de l'environnement dissertation ?

Pour les économistes partisans de la soutenabilité faible, la croissance économique n'est pas incompatible avec la préservation de l'environnement à condition de maintenir constant le stock de capital. La soutenabilité faible rend possible la substitution entre le capital naturel et le capital physique.

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Il convient alors de se demander si la croissance peut-être compatible avec le développement durable. C'est pourquoi, nous verrons tout d'abord que si la croissance économique, ainsi que son absence nuisent au développement durable, Il est actuellement inéluctable de concilier croissance et développement durable.

Quelles sont les effets de la croissance économique sur l'environnement ?

Cette augmentation pourrait avoir de lourdes conséquences : montée du niveau de la mer, déstabilisation de la régularité climatique... En cause, même si ce n'est pas le seul facteur : notre façon de produire et de consommer qui accroît la quantité de gaz à effet de serre dans l'atmosphère.

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