Quels sont les effets du progrès technique sur les inégalités de revenus ?

INTRODUCTION

1Depuis le début des années 1980, dans la plupart des pays avancés (le Nord ), l’évolution des inégalités fait apparaître un retournement de la courbe de Kuznets. La montée des inégalités s’observe particulièrement dans les écarts de rémunération et d’emploi entre qualifiés et non qualifiés [1]. Cette évolution s’accompagne d’un changement technologique majeur et d’une intensification des échanges avec les pays émergents (le Sud ). Le changement technologique est caractérisé par une informatisation rapide des processus productifs et une très forte croissance de la productivité dans les secteurs des ordinateurs et des semi-conducteurs. Avec le développement des échanges Nord-Sud, le poids des pays émergents dans le commerce international a fortement augmenté, et les productions intensives en travail non qualifié, y compris les stades d’assemblage du secteur informatique, ont été largement délocalisées au Sud.

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2La montée des inégalités entre qualifiés et non qualifiés au Nord peut être analysée à partir d’un cadre Offre-Demande-Institutions (Freeman et Katz [1994] ; Katz et Autor [1999]). Elle peut d’abord résulter d’un ralentissement de l’offre de main-d’œuvre qualifiée. Toutefois, sauf aux États-Unis (Katz, Loveman et Blanchflower [1993]), les vingt-cinq dernières années ont connu une augmentation très sensible du niveau d’éducation de la population active dans tous les pays du Nord. L’écartement des inégalités salariales peut également se rapporter à certains changements institutionnels comme une perte d’influence des syndicats, une diminution des minima sociaux (salaire minimum, allocations chômage), etc. Ces modifications ont eu un rôle important pour des pays comme les États-Unis (Fortin et Lemieux [1997]) et la Grande-Bretagne (Machin [1997]), mais elles ne peuvent être considérées comme l’explication principale de la montée des inégalités.

3Dans les années 1990, la littérature économique a privilégié les explications fondées sur une accélération de la demande de main-d’œuvre qualifiée. L’analyse s’est d’abord focalisée sur le débat « progrès technique biaisé versus échanges Nord-Sud ». Dans la première explication, la montée des inégalités serait liée à l’émergence d’un progrès technique, lié aux nouvelles technologies de l’information, naturellement biaisé en faveur du travail qualifié. Pour la seconde, elle résulterait de la concurrence des pays du Sud fortement dotés en main-d’œuvre peu qualifiée à bas salaire. Une première série de travaux a conclu que le progrès technique biaisé était l’explication principale, les échanges Nord-Sud n’ayant qu’un faible impact. Ce diagnostic a néanmoins été critiqué tant du point de vue empirique que théorique. De nouvelles estimations, corrigeant certaines lacunes des travaux précédents, ont montré que l’influence des échanges Nord-Sud avait été sous-estimée (Wood [1994]). De plus, le rôle de l’outsourcing (localisation au Sud de certains stades de production) a été souligné et plusieurs estimations ont conclu à son influence significative (Feenstra et Hanson [1999] ; Anderton et Brenton [1999] ; Strauss-Kahn [2003] ; Egger H. et Falkinger [2003] ; Shelburne [2004]). Globalement, le diagnostic d’un impact mineur de la concurrence du Sud a été reconsidéré, même si ce diagnostic reste valable pour certains pays [2]. Enfin, une nouvelle littérature théorique s’est développée où progrès technique et ouverture Nord-Sud interagissent pour modifier les demandes de facteurs, et donc leurs rémunérations [3]. En particulier, l’ouverture sur le Sud peut agir sur les inégalités via son impact sur le progrès technique (Dinopoulos et Segerstrom [1999] ; Thoenig et Verdier [2003a et 2003b]).

4L’approche développée dans cet article combine plusieurs mécanismes par lesquels l’ouverture Nord-Sud agit sur le progrès technique et les inégalités salariales. On construit un modèle d’équilibre général Nord-Sud avec croissance endogène fondée sur l’amélioration des connaissances technologiques. Le cadre adopté a pour objectif de reproduire certaines caractéristiques des biens capitaux produits par le secteur informatique : progrès technique rapide, substitution des nouvelles technologies aux anciennes, très rapide obsolescence des biens capitaux, et délocalisation dans les pays émergents à bas salaires des stades de production intensifs en travail non qualifié. Le modèle est ensuite simulé suivant trois scénarios : autarcie du Nord, ouverture Nord-Sud avec marchés du travail concurrentiels, et ouverture Nord-Sud avec salaire minimum au Nord.

5Le modèle simulé aboutit à trois résultats principaux :

6(i) Comparée à l’autarcie, l’ouverture Nord-Sud avec marchés du travail concurrentiels se traduit par une hausse des inégalités salariales au Nord et par un ralentissement de la R&D et de la croissance de la productivité.

7(ii) L’instauration d’un salaire minimum au Nord entraîne du chômage pour les moins qualifiés, mais stimule également la R&D et la croissance de la productivité qui sont alors supérieures à leurs valeurs en autarcie. Ce résultat, similaire à celui obtenu par Askenazy [2003], repose néanmoins sur un mécanisme toujours dominant : en réduisant la rémunération relative des qualifiés, le salaire minimum diminue le coût relatif de la R&D.

8(iii) En définitive, biais technologique et ouverture Nord-Sud se conjuguent pour augmenter la prime de qualification, donc les inégalités. L’impact de chaque explication diffère néanmoins sensiblement selon les scénarios.

9L’architecture générale du modèle est exposée à la section 2. La section 3 présente les relations d’équilibre en autarcie et en ouverture Nord-Sud. La section 4 est consacrée à la définition et la simulation des différents scénarios. Enfin, les principaux résultats sont examinés et discutés (section 5).

L’ARCHITECTURE GÉNÉRALE DU MODÈLE

10Le monde est formé de deux zones, le Nord (indicé N) et le Sud (S). En accord avec l’hypothèse de Wood [1994], le Sud et le Nord ont accès aux mêmes technologies.

11Il y a trois facteurs de production : le travail qualifié (H) et le travail non qualifié (L) dont les dotations sont exogènes, et le bien capital (K) qui est produit. Le Nord est doté en travaux qualifié et non qualifié, alors que le Sud ne dispose que de travail non qualifié. Le salaire du travail non qualifié au Nord est supposé unitaire.

12Il y a deux biens finaux produits sur des marchés parfaitement concurrentiels. Le premier, noté l, est intensif en travail non qualifié ; le second, noté h, est intensif en travail qualifié.

13Le bien capital (K) est produit par un monopole en situation de marché contestable. Ce monopole mène également une activité de R&D qui vise à augmenter la productivité totale des facteurs dans la production de capital. On suppose également que le bien capital est immédiatement détruit par son utilisation. Cette hypothèse, qui apparente le capital à un bien intermédiaire, est une façon commode de représenter la faible durée de vie des ordinateurs (et des biens capitaux apparentés) qui sont remplacés en moyenne tous les deux ans par les firmes. Elle reflète également le changement technologique rapide qui caractérise les technologies de l’information et de la communication (voir ci-dessous). En conséquence, à chaque période, les nouveaux biens capitaux se substituent entièrement aux anciens dans les secteurs utilisateurs (l et h).

L’architecture sectorielle

La demande de biens finaux

14À toute période, chaque ménage, quels que soient son niveau de qualification ou sa localisation (Nord ou Sud), maximise la même fonction d’utilité instantanée log-linéaire :

15

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, sous contrainte :
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16xi et pi sont respectivement la consommation et le prix du bien i = l, h, et r le revenu du ménage.

17Ce programme détermine les fonctions de demande individuelle de chaque bien. Au niveau agrégé, les demandes totales de bien l(Y–l) et h(Y–h) s’écrivent alors :

18

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19où R est le revenu total. Notons que R est le revenu total du Nord lorsqu’on est en autarcie, et le revenu mondial, somme des revenus du Nord et du Sud, à l’ouverture.

La production de biens finaux

Le secteur l

20La production du bien l utilise du capital et du travail non qualifié avec une technologie Cobb-Douglas :

21

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22où Yl?, Kl?, et Ll sont respectivement la production, et l’utilisation de capital et de travail non qualifié dans le secteur l.

23Les demandes de facteurs, issues des programmes de maximisation des firmes, sont alors :

24

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25où ? est le prix du capital, et wL le coût unitaire (salaire) du travail non qualifié.

Le secteur h

26La production de bien h utilise les trois facteurs de production. Suivant l’hypothèse de Griliches [1969], on suppose en outre une complémentarité relative entre capital et qualification : le capital est plus substituable au travail non qualifié qu’au travail qualifié. Comme une utilisation plus forte de capital traduit une montée de l’informatisation, la complémentarité K-H vise à représenter une des voies de l’impact positif de l’informatisation sur la demande de travail qualifié. Cette hypothèse est représentée par une fonction ces imbriquée dans une Cobb-Douglas :

27

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28avec :

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.

29Dans la fonction Yh?, l’élasticité de substitution H-L est identique à l’élasticité de substitution H-K, alors que les estimations empiriques concluent plutôt à une élasticité H-L supérieure à l’élasticité H-K (Hamermesh [1993]). Toutefois, la correction de ce défaut entraînerait l’introduction de fonctions ces imbriquées (comme dans Krusell et al. [1999]), ce qui compliquerait fortement le modèle. Comme cela ne modifierait que très faiblement les résultats, nous avons gardé cette forme plus simple. La maximisation du profit détermine les fonctions de demandes de facteurs suivantes :

30

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31wH est le salaire unitaire du travail qualifié.

32Une baisse du prix du capital accroît la demande relative de qualification, Hh/Lh, dans le secteur h.

Le secteur des biens capitaux

33Le secteur des biens capitaux comprend deux activités, l’une de production et l’autre de recherche-développement.

La production de capital

34Le bien capital est produit par un monopole. Cette hypothèse découle de l’activité de R&D qui implique des rendements croissants (voir ci-dessous). Comme on suppose qu’il n’y a ni barrières à l’entrée ni coûts irrécupérables, le profit du monopole est nul à l’équilibre.

35La production de capital se décompose en deux stades qui ne sont pas substituables : ils peuvent être dissociés et leur localisation peut donc être différente. Le premier stade, qui regroupe la conception et la fabrication de composants à haute technicité, n’utilise que du travail qualifié. Le second est un stade d’assemblage qui utilise exclusivement du travail non qualifié. En conséquence, la production du bien capital est réalisée suivant une technologie à facteurs complémentaires :

36

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37où A × ?HHK représente le premier stade de production, et A × ?LLK le second stade.

38Le coefficient A représente la productivité totale des facteurs (ptf) dans le secteur des biens capitaux.

39Les demandes de facteurs pour la production de capital s’écrivent alors :

40

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L’activité de R&D

41À chaque période, de nouvelles connaissances technologiques sont produites par une activité de R&D directement menée par le monopole qui fabrique le bien capital. Ces connaissances nouvelles permettent d’améliorer la productivité totale des facteurs (ptf) dans le secteur K, et aboutissent également à la production d’un nouveau type de capital. La R&D combine en conséquence innovations de procédé (hausse de A) et de produit (nouveau bien capital), conformément aux caractéristiques du secteur informatique.

42Comme dans les modèles de Romer [1990], Grossman et Helpman [1991], et Aghion et Howitt [1992], l’activité de R&D dépend (i) de la quantité de travail qualifié allouée à la recherche (chercheurs), et (ii) du niveau déjà atteint des connaissances technologiques :

43

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44où

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représente à la fois la variation des connaissances et de la ptf dans le secteur K, HA la quantité de chercheurs, et ? un indicateur d’efficacité de la R&D.

450 < ? < 1 signifie qu’à chaque moment la productivité marginale du nombre de chercheurs employés est décroissante.

46Le taux de variation des connaissances technologiques

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s’écrit alors :

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48Une fois qu’elle a été révélée par son utilisation dans la production, la nouvelle connaissance passe dans le domaine public. À chaque période, les connaissances existantes sont alors utilisées pour de nouvelles recherches créant de nouvelles connaissances, et donc de nouvelles technologies, un niveau supérieur de la ptf A, et un nouveau bien capital correspondant. Ainsi, une fois utilisé, un bien capital n’est plus seulement consommé, mais son « modèle » devient également obsolète dans la mesure où un bien capital plus efficace est produit à partir d’une nouvelle technologie.

49À chaque temps t, comme chez Basevi et Ottaviano [2002], le monopole mène une activité de R&D qui se traduit par la création d’une nouvelle connaissance technologique, et donc par un nouveau « modèle » de bien capital produit à partir d’un niveau supérieur de ptf. Il produit alors ce nouveau bien capital qui est vendu aux secteurs des biens finaux. En plus, dans notre modèle, le nouveau bien capital se substitue entièrement à l’ancien. La nouvelle technologie et le nouveau bien capital sont uniquement utilisés au moment de leur découverte : pour le monopole, le bénéfice tiré de l’innovation est donc immédiatement réalisé dans sa totalité. En conséquence, il n’y a pas de choix intertemporel pour le monopole, et la dynamique du modèle est caractérisée par une succession d’équilibres statiques de plus en plus efficaces en raison de la hausse de la productivité. Ces hypothèses fournissent une façon commode de représenter simplement en temps continu l’obsolescence et le remplacement très rapide des biens informatiques [4].

50On peut enfin remarquer que c’est l’activité de R&D qui justifie l’existence d’un monopole dans le secteur K. En effet, la connaissance est un bien non rival, et seuls la technologie et le modèle de bien capital les plus efficaces sont utilisés à chaque moment. En conséquence, l’existence de plusieurs firmes réalisant concurremment de la R&D se traduirait par un gaspillage des ressources en travail qualifié. En raison de l’activité de R&D, le secteur K est alors caractérisé par des rendements internes croissants.

Demande de chercheurs et offre de capital

51À chaque moment t, la firme qui produit le bien capital optimise son effort de R&D, soit l’emploi des chercheurs HA, en maximisant le profit supplémentaire tiré de cette activité :

52

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53sous la contrainte : A(t) = A0 exp[?t0?(HA(i))?di].

54La contrainte ci-dessus est directement tirée de l’équation (10).

55Ce programme de maximisation détermine la demande de chercheurs à l’optimum (le temps t est omis par simplification) :

56

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57En introduisant (8) et (9) dans la condition de profit nul découlant de l’hypothèse de marché contestable (?K = ?K - wLLK - wHHK - wHHA = 0), on obtient :

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59En portant (11) dans (12), on détermine l’offre de capital compatible avec la condition de profit nul :

60

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Ouverture Nord-Sud et localisation des activités

61L’économie mondiale est formée de deux zones, le Nord (N) et le Sud (S). Le Nord possède les deux types de travail (notés LN et HN), alors que le Sud est uniquement doté en travail non qualifié (LS).

62Les dotations factorielles sont exogènes dans les deux zones. L’ouverture Nord-Sud se traduit par une mobilité parfaite, et donc sans coûts, des biens, du capital et des technologies. En revanche, les travaux qualifié et non qualifié sont supposés immobiles internationalement.

63En suivant Wood [1994], on suppose que la dotation en travail non qualifié du Sud est suffisante pour que tous les biens et les stades de production qui n’utilisent pas de travail qualifié (c’est-à-dire le bien l et le stade aval de la production de K) soient uniquement produits au Sud.

64Étant donné les hypothèses retenues sur les fonctions de production et les dotations factorielles, l’ouverture se traduit par les localisations suivantes :

65(i) Toute la production du secteur l s’opère au Sud, et une partie de la production de l est exportée vers le Nord.

66(ii) Le Nord accueille l’ensemble de la production de h, et une partie de la production de h est exportée vers le Sud.

67(iii) Les activités du secteur K sont réparties entre les deux zones. Les stades de R&D et de fabrication de composants sophistiqués (stade amont) sont entièrement localisés au Nord, alors que le stade d’assemblage est réalisé au Sud. Les composants issus de l’activité de R&D et du stade amont sont alors totalement exportés vers le Sud pour être assemblés, et la partie de la production finale de K vendue pour la production de h est exportée du Sud vers le Nord.

68La totale délocalisation au Sud (i) de la production des biens l et (ii) du stade aval (assemblage) de la production de capital dépend clairement de la quantité de travail non qualifié du Sud. Si la dotation en travail non qualifié du Sud était faible comparée à celle du Nord (une petite zone Sud), la délocalisation au Sud des deux activités ne serait que partielle et l’équilibre aboutirait à l’égalisation internationale des prix de facteurs comme dans le modèle Heckscher-Ohlin-Samuelson. Pour une dotation donnée en travaux qualifié et non qualifié au Nord, il existe donc un seuil en termes de dotation en travail non qualifié du Sud en deçà duquel l’égalisation des prix de facteurs se réalise, et au-dessus duquel le salaire des travailleurs non qualifiés du Sud est inférieur à celui du Nord. On suppose en conséquence une forte dotation du Sud en travail non qualifié qui se traduit par un coût de ce dernier plus élevé au Nord qu’au Sud.

69La spécialisation Nord-Sud aboutit au schéma d’échanges suivant. Le Nord exporte les biens finaux h demandés et consommés au Sud, et la totalité du stade amont de la production de K (R&D et fabrication des composants sophistiqués) ; il importe du Sud sa demande totale de bien l et la quantité de capital nécessaire à la production des biens h.

70On doit enfin souligner que le modèle sectoriel présenté ci-dessus n’est pas applicable à la modélisation du Sud en autarcie. En effet, la production des deux biens finaux nécessite l’utilisation directe ou indirecte de travail qualifié alors que le Sud n’en possède pas. Comme notre analyse est centrée sur l’impact de l’ouverture sur le Nord, la situation du Sud en autarcie n’est pas modélisée.

ÉQUILIBRE GÉNÉRAL

71Les tableaux 1 et 2 présentent respectivement le modèle d’équilibre général en autarcie du Nord et en ouverture Nord-Sud.

Tableau 1

Équilibre général en autarcie*

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Équilibre général en autarcie*

Tableau 2

Équilibre général en ouverture Nord-Sud

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Équilibre général en ouverture Nord-Sud

72En autarcie, tous les secteurs sont localisés au Nord. Le salaire des non qualifiés étant unitaire par définition (wL = 1), la prime de qualification w ? wH/wL est égale au salaire des travailleurs qualifiés (w = wH). et ? est le prix relatif du capital en termes de salaire des non qualifiés. Le revenu total est égal à la somme des salaires R = L + wH. Les dotations (offres) en travaux qualifié et non qualifié sont exogènes et constantes :

Quels sont les effets du progrès technique sur les inégalités de revenus ?
.

73À chaque instant, le modèle en autarcie détermine un équilibre de plein emploi caractérisé par : la prime de qualification, les productions et les prix du capital et des biens finaux, la distribution des facteurs entre les activités, les salaires réels des travailleurs qualifiés et non qualifiés, le revenu total nominal et réel, la quantité de chercheurs HA, et le taux de croissance de la ptf dans le secteur K, ?A. Ce dernier détermine la dynamique du modèle, chaque période étant caractérisée par une augmentation des connaissances technologiques, donc de la ptf dans la production de capital.

74À l’ouverture Nord-Sud, le secteur h et les stades amont de la production de K (R&D et fabrication de composants sophistiqués) sont localisés au Nord, le secteur l et le stade d’assemblage de la production de K au Sud. Comme le salaire des travailleurs non qualifiés du Nord est unitaire, la prime de qualification au Nord s’écrit w = wH, et ? représente à la fois le salaire des travailleurs non qualifiés au Sud et sa valeur relativement au salaire des non qualifiés du Nord. En conséquence, le coût du travail non qualifié est égal à 1 pour la production du bien h, et à ? pour la production de l et pour le stade d’assemblage de la production de capital. Comme précédemment, ? est le prix relatif du capital. Le revenu mondial regroupe les revenus salariaux du Nord et du Sud : R = LN + wH + ?LS. Les dotations, et donc les offres, en travaux qualifié et non qualifié sont exogènes et constantes dans les deux zones :

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(le facteur H est entièrement localisé au Nord), et
Quels sont les effets du progrès technique sur les inégalités de revenus ?
. Lorsque les marchés du travail sont parfaitement concurrentiels, la flexibilité des salaires w et ? garantit le plein emploi pour tous les types de travail. S’il existe un salaire minimum au Nord qui abaisse la prime de qualification, cela entraîne du chômage pour les non qualifiés du Nord.

75Il faut enfin souligner que les relations déterminant les équilibres généraux des modèles en autarcie et en ouverture sont fortement non linéaires pour leurs variables endogènes (w, ?, ?, et K). Une solution analytique simple ne peut être définie. En conséquence, le modèle est simulé pour déterminer ses principales propriétés. Notons toutefois que les relations du modèle présentées aux tableaux 1 et 2 sont suffisamment simples pour interpréter analytiquement les mécanismes qui expliquent les résultats des simulations.

SCÉNARIOS ET SIMULATIONS NUMÉRIQUES

76Dans cette section, le modèle est simulé pour déterminer l’impact de l’ouverture Nord-Sud sur le progrès technique, les inégalités salariales, le chômage et la croissance [5]. Nous commençons par définir les différents scénarios, puis nous examinons les valeurs des paramètres. Nous présentons ensuite la méthode de résolution utilisée. Dans une quatrième sous-section, nous comparons les résultats obtenus pour les différents scénarios simulés.

Les scénarios

77Trois scénarios sont simulés, représentant les situations suivantes :

78Scénario A (pour Autarcie) : l’économie est formée du seul Nord produisant et consommant en autarcie. L’ajustement des prix et des salaires assure le plein emploi de tous les facteurs à chaque moment.

79Scénario O (Ouverture) : on se place en ouverture Nord-Sud décrite ci-dessus, et l’on suppose des marchés du travail concurrentiels assurant le plein emploi au Nord comme au Sud.

80Scénario OW (Ouverture avec une contrainte sur w) : on se place en ouverture Nord-Sud et l’on suppose un salaire minimum au Nord qui empêche l’ajustement de la prime de qualification. La politique de salaire minimum consiste à imposer à la prime de qualification la valeur qu’elle aurait eue en autarcie (Scénario A). Cette hypothèse permet d’analyser les conséquences de l’ouverture lorsque l’inégalité salariale est maintenue à son niveau autarcique.

Valeurs des paramètres et dotations factorielles

81Les tableaux suivants présentent (i) les valeurs des paramètres et (ii) les dotations du Nord et du Sud en travaux qualifiés et non qualifiés qui sont appliquées aux trois scénarios.

82Tous les calculs sont effectués pour une valeur ? = 1/2. Des simulations pour d’autres valeurs de ? (0.25 et 0.75) on été réalisées [6], avec des résultats similaires à ceux présentés ici, mais des évolutions logiquement plus lentes pour ? = 0.25, et plus rapides pour ? = 0.75.

83Les valeurs des paramètres des fonctions d’utilité (?) et de production ont pour objectif d’aboutir à une répartition à part égale du revenu entre qualifiés et non qualifiés au Nord, ce qui correspond à la répartition dans les pays de l’ocde (20 % des salariés sont qualifiés et perçoivent un peu plus de 50 % des revenus salariaux). Pour les valeurs des paramètres et les rémunérations calculées, la hiérarchie des secteurs en termes d’intensité en qualification (Hi/Li, i = l, h, K) s’établit comme suit : Hl/Ll < Hh/Lh < HK/LK. Enfin, les paramètres dans le secteur K permettent de reproduire certaines caractéristiques de la branche informatique. La valeur de ? est notamment choisie pour obtenir une croissance moyenne de la ptf d’environ 15 % sur vingt périodes dans les scénarios A et O [7], ce qui est conforme à la croissance moyenne de la ptf dans la fabrication d’ordinateurs dans la seconde moitié des années 1990 (Artus [2001]) [8].

84La répartition de la population active entre travail qualifié et non qualifié au Nord (1 à 5) correspond à celle constatée en Europe et en Amérique du Nord au début des années 1990, la main-d’œuvre qualifiée étant définie comme l’ensemble des actifs ayant une formation supérieure. Les dotations en travail dans les deux zones sont assez faibles comparées à l’économie mondiale, mais cela a peu d’importance car seules les dotations relatives sont significatives [9]. Nous avons également supposé des dotations constantes en travaux qualifié et non qualifié au Nord et au Sud. Contraire aux faits stylisés présentés en introduction, cette hypothèse a pour objectif de centrer l’analyse sur les seuls changements des demandes de travail, donc à offre constante.

Méthode de simulation du modèle

85Pour des valeurs données des paramètres et des variables exogènes, chaque valeur de A (la ptf dans le secteur K) détermine complètement les variables endogènes du modèle.

86Nous commençons par présenter les évolutions de très long terme pour vérifier que le modèle tend bien vers un état stationnaire. Dans ce but, nous calculons dans les trois scénarios, les valeurs de HA (nombre de chercheurs) et de ?A (croissance de la productivité) pour des valeurs de A allant de 1 à 2,5 × 106. Le diagramme de phase correspondant montre l’existence d’une croissance stationnaire pour les scénarios A et O.

87L’exercice de simulation est ensuite mené de la façon suivante. Nous partons d’une valeur de la ptf A unitaire au temps t = 1 pour tous les scénarios : A(1) = 1. Nous calculons ensuite toutes les variables endogènes du modèle au temps 1 pour chaque scénario, et donc le taux de croissance de A, ?A. Appliqué à A(1) ce taux de croissance détermine les valeurs de A au temps 2, différentes suivant les scénarios. Ces différentes valeurs de A permettent de calculer toutes les autres variables endogènes au temps 2, dont ?A. On peut alors calculer le niveau A(3) pour chaque scénario, et ainsi de suite. Les simulations sont ainsi réalisées sur vingt-cinq périodes (années).

88Cette méthode présente un biais puisque les valeurs déterminées en temps continu sont utilisées pour effectuer des calculs en temps discret. Ce biais reste néanmoins limité dans la mesure où le taux de croissance de A varie très lentement, ce qui conduit à de très faibles erreurs d’approximation. De plus, comme (i) le biais tend à sous-estimer l’effort de R&D et la croissance à chaque période et (ii) la hiérarchie des taux de croissance entre les scénarios est toujours identique, sa correction aboutirait aux mêmes évolutions qui se produiraient néanmoins légèrement plus rapidement.

Comparaison des résultats des trois scénarios

89Nous présentons successivement les résultats pour (i) les évolutions de très long terme, (ii) la R&D et la productivité sur vingt-cinq périodes, et (iii) les prix de facteurs, les inégalités et les revenus réels.

Dynamique de la croissance à long terme

90Les graphiques 1 et 2 présentent respectivement (i) le diagramme de phase qui relie le taux de croissance ?A de la ptf à son niveau A, et (ii) l’évolution du nombre de chercheurs HA pour des valeurs très élevées de la ptf A dans l’hypothèse d’un taux de croissance moyen de A égal à 15 % en économie ouverte en début de processus.

Graphique 1

?A en fonction de A

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?A en fonction de A

Graphique 2

Chercheurs (HA) en fonction de A

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Chercheurs (HA) en fonction de A

91On constate que le modèle tend vers une croissance stationnaire de la productivité dans le secteur K de 17,8 % par an en autarcie et de 16,6 % en ouverture Nord-Sud avec marchés du travail concurrentiels. On peut également préciser qu’il n’y a pas d’état stationnaire dans le scénario OW, même si la croissance ?A varie dans un intervalle très étroit. Ce résultat s’explique par le fait que le niveau de la prime de qualification est contraint et qu’il varie à chaque moment de façon exogène. On peut néanmoins remarquer que le taux de croissance de la ptf A est toujours plus élevé dans le scénario OW qu’à l’autarcie (Scénario A) ou à l’ouverture avec des marchés du travail concurrentiels (Scénario O). Enfin, la croissance stationnaire s’accompagne d’une stabilisation de la prime de qualification en autarcie, mais pas en ouverture concurrentielle.

92La simulation des évolutions de long terme permet d’établir deux premiers résultats :

931. À dotations factorielles inchangées au Sud et au Nord, la croissance stationnaire est plus élevée en autarcie du Nord qu’en ouverture Nord-Sud concurrentielle.

942. À dotations factorielles inchangées au Sud et au Nord, la croissance est plus élevée en ouverture avec contrainte sur la prime de qualification qu’en autarcie du Nord ou en ouverture Nord-Sud concurrentielle.

R&D et productivité

95En termes de ressources allouées à la R&D et de croissance de la productivité, les graphiques 3 et 4 montrent :

  1. que le passage de l’autarcie à l’ouverture Nord-Sud se traduit par une baisse de l’effort de R&D et donc un ralentissement de la croissance de la productivité ;
  2. que l’instauration d’un salaire minimum en ouverture Nord-Sud entraîne une remontée de l’effort de R&D et donc de la croissance de la productivité qui sont alors nettement au-dessus de leur niveau autarcique.
Ce dernier résultat dépend clairement du niveau du salaire minimum. Rappelons que, dans nos simulations, la politique de salaire minimum consiste à appliquer à l’ouverture la prime de qualification observée en autarcie. Cela signifie que l’accroissement de la prime de qualification résultant de l’ouverture est annulé.

Graphique 3

Croissance de la productivité (?A)

Quels sont les effets du progrès technique sur les inégalités de revenus ?

Croissance de la productivité (?A)

Graphique 4

Nombre de chercheurs (HA)

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Nombre de chercheurs (HA)

Prime de qualification, salaires et revenus réels

96Comparée à la situation autarcique, l’ouverture Nord-Sud se traduit par une forte hausse de la prime de qualification (graphique 5). Ceci est lié à un effet de spécialisation qui reproduit la distribution des avantages comparatifs.

Graphique 5

Prime de qualification

Quels sont les effets du progrès technique sur les inégalités de revenus ?

Prime de qualification

97Le prix relatif du capital diminue fortement dans tous les scénarios (graphique 6). Ceci s’explique par le fort taux de croissance de la ptf dans le secteur du capital (15 %). Notons également que le prix du capital est nettement inférieur dans le scénario OW. Ce scénario présente donc un niveau de R&D plus élevé, un faible coût du travail qualifié (en raison du salaire minimum), ainsi qu’un faible coût du travail non qualifié (délocalisation au Sud du stade d’assemblage de la production de K).

Graphique 6

Prix relatif du capital

Quels sont les effets du progrès technique sur les inégalités de revenus ?

Prix relatif du capital

98Les salaires et revenus réels sont calculés en divisant les salaires et revenus nominaux par l’indice des prix à la consommation p = (pl)? (ph)1 - ?.

99Logiquement, le salaire réel des travailleurs non qualifiés du Nord est le plus élevé dans le scénario OW (graphique 7).

Graphique 7

Salaire réel des non qualifiés du Nord

Quels sont les effets du progrès technique sur les inégalités de revenus ?

Salaire réel des non qualifiés du Nord

100La mise en place d’un salaire minimum au Nord commence par diminuer le salaire réel des travailleurs qualifiés (graphique 8). Avec le temps, cette réduction est compensée par la baisse plus rapide des prix entraînée par le progrès technique. En conséquence, l’écart observé pour le salaire réel des travailleurs qualifiés entre les scénarios O et OW disparaît totalement, et le scénario OW devient le plus profitable aux travailleurs qualifiés après dix-sept années (graphique 8). On observe la même évolution pour les travailleurs du Sud, mais le scénario OW rattrape plus lentement le scénario O (graphique 9). En résumé, en raison de son impact sur le progrès technique, le scénario OW est le meilleur à long terme pour les trois types de travailleurs. Ce diagnostic ne vaut évidemment que pour les travailleurs employés, la situation des chômeurs non qualifiés du Nord n’étant pas considérée ici.

Graphique 8

Salaire réel des travailleurs qualifiés

Quels sont les effets du progrès technique sur les inégalités de revenus ?

Salaire réel des travailleurs qualifiés

Graphique 9

Salaire réel des travailleurs du Sud

Quels sont les effets du progrès technique sur les inégalités de revenus ?

Salaire réel des travailleurs du Sud

101L’évolution du revenu réel global mesure également la variation du revenu réel par tête puisque les populations sont supposées constantes au Nord et au Sud.

102En termes de revenu réel global, l’ouverture avec marchés du travail concurrentiels (scénario O) est d’abord la meilleure situation à la fois au Nord et au Sud (graphiques 10 et 11). Au Nord, la mise en place d’un salaire minimum entraîne initialement un ralentissement sensible du revenu réel total qui s’explique par l’existence d’un chômage élevé des non qualifiés. Toutefois, cet écart est progressivement comblé en raison de la baisse des prix liée à la croissance accélérée de la productivité. Cette évolution reste néanmoins relativement lente en raison du chômage de la main-d’œuvre non qualifiée qui augmente avec le temps. À long terme, le revenu réel total, et donc le revenu réel par tête, est le plus élevé dans le scénario OW : le scénario OW dépasse le scénario O au Nord et au Sud au bout de vingt-trois ans (graphiques 10 et 11). Notons qu’à très long terme, le revenu réel du Nord à l’autarcie (A) dépasse également le revenu en ouverture concurrentielle (O) au bout de soixante-quinze périodes (graphique 12).

Graphique 10

Revenu réel du Nord

Quels sont les effets du progrès technique sur les inégalités de revenus ?

Revenu réel du Nord

Graphique 11

Revenu réel du Sud

Quels sont les effets du progrès technique sur les inégalités de revenus ?

Revenu réel du Sud

Graphique 12

Revenu réel du Nord à long terme (logarithme)

Quels sont les effets du progrès technique sur les inégalités de revenus ?

Revenu réel du Nord à long terme (logarithme)

DISCUSSION DES RÉSULTATS DU MODÈLE

Les principaux résultats

103Les principaux résultats du modèle simulé peuvent se résumer ainsi :

1041) Comparée à l’autarcie, l’ouverture Nord-Sud avec marchés du travail concurrentiels est caractérisée (i) par une hausse sensible de la prime de qualification, et (ii) par une diminution de l’effort de R&D, et donc par un ralentissement du progrès technique et de la croissance de la productivité.

1052) Dans le cas où l’ouverture Nord-Sud s’accompagne d’un salaire minimum qui maintient la prime de qualification à sa valeur en autarcie, l’effort de R&D est stimulé, le progrès technique accéléré, et la productivité croît plus rapidement qu’en autarcie. À long terme, le scénario OW est donc le plus favorable pour le revenu réel par tête. Cette situation est néanmoins obtenue aux dépens de l’emploi des travailleurs non qualifiés.

1063) En définitive, biais technologique et ouverture Nord-Sud se conjuguent pour modifier les demandes relatives de qualification (H/L), avec des intensités et des mécanismes qui diffèrent selon les scénarios.

Analyse et discussion

107Il faut d’abord rappeler que le modèle développé dans cet article est, par construction, une approche partielle qui vise à analyser l’impact sur les inégalités des interactions entre ouverture Nord-Sud d’une part, et un progrès technique dans le secteur informatique d’autre part. Ce modèle ne peut donc représenter l’ensemble des caractéristiques d’une économie.

108L’ouverture Nord-Sud agit différemment sur l’effort de R&D, le progrès technique et la croissance de la productivité selon que la prime de qualification est flexible ou non. Lorsque les marchés du travail sont concurrentiels, elle ralentit la R&D et la croissance de la productivité. En revanche, l’ouverture stimule la R&D et accélère la croissance de la productivité lorsque le Nord instaure un salaire minimum qui freine l’augmentation de la prime de qualification. Ces résultats s’expliquent à partir des facteurs déterminant l’effort de R&D représentés sur la figure 1.

Figure 1

Les facteurs déterminant la R&D

Quels sont les effets du progrès technique sur les inégalités de revenus ?

Les facteurs déterminant la R&D

109Le niveau de la R&D dépend (i) de la demande de biens capitaux puisque l’innovation s’opère dans ce secteur et (ii) du coût de la R&D, c’est-à-dire du coût du travail qualifié qui est l’unique facteur utilisé dans cette activité. La demande de capital dépend elle-même (i) de la taille du marché du capital, et donc de la taille du marché des biens finaux dont la production requiert du capital et (ii) du prix du capital, déterminé par son coût de production. Enfin, le coût de production du capital dépend des coûts des travaux qualifiés et non qualifiés.

110L’ouverture Nord-Sud a trois conséquences majeures sur la R&D :

111(i) En élargissant la taille du marché des biens finaux, elle stimule la demande de capital. Comme l’innovation s’opère dans le secteur K, la R&D est accélérée.

112(ii) Parallèlement, en raison de la délocalisation au Sud des productions intensives en travail non qualifié, l’ouverture Nord-Sud accroît sensiblement la prime de qualification, et donc le coût du travail qualifié. La hausse du coût relatif des chercheurs réduit la R&D.

113(iii) L’impact de l’ouverture sur le prix du capital est ambigu. D’une part, l’accroissement du coût des travailleurs qualifiés renchérit le prix du capital. D’autre part, la baisse du coût du travail non qualifié, résultant de la délocalisation au Sud du stade d’assemblage, réduit le prix du capital.

114Lorsque la prime de qualification est flexible, son augmentation est suffisamment forte pour neutraliser et dominer l’impact positif sur la R&D de l’élargissement du marché. L’ouverture se traduit alors par une baisse de la R&D et un ralentissement de la croissance de la productivité.

115Lorsqu’une politique de salaire minimum empêche l’augmentation de la prime de qualification, et donc la hausse du coût du travail qualifié, les impacts positifs de l’élargissement du marché et de la diminution des coûts d’assemblage sont les seules forces agissantes. En conséquence, la R&D est stimulée et la productivité accélérée. Ce résultat peut bien évidemment être étendu à toute déficience de marché ou règle institutionnelle qui fige la prime de qualification. Notons qu’Askenazy [2003] a également montré, dans un modèle de croissance endogène en économie ouverte, que la mise en place d’un salaire minimum stimulait le progrès technique et la croissance. Les mécanismes contenus dans notre approche sont néanmoins différents de ceux d’Askenazy puisque (i) l’ouverture sans salaire minimum se traduit par une baisse de la R&D et de la croissance, et (ii) le salaire minimum n’a d’effet positif sur le progrès technique qu’en économie ouverte chez Askenazy, ce qui n’est pas le cas du modèle présenté ici (voir Chusseau [2002] ; Chusseau et Hellier [2006]) [10].

116Tous ces mécanismes peuvent être présentés analytiquement à partir d’une décomposition de l’équation déterminant la quantité de chercheurs (voir Annexe).

117Deux points doivent enfin être soulignés. D’une part, le modèle est construit en considérant le Nord comme un espace homogène. Si le Nord était, par exemple, divisé en deux zones, l’une avec un salaire minimum et l’autre sans, et si le travail qualifié pouvait circuler librement entre ces deux espaces, la zone avec salaire minimum subirait un exode de ses qualifiés vers celle à marchés du travail concurrentiels. D’autre part, on suppose que la R&D demeure localisée dans le Nord, ce qui correspond à la réalité observée des vingt dernières années. Toutefois, si le mouvement récent de délocalisation d’une partie des activités de R&D vers certains pays du Sud (omc [2005]) se confirme et s’intensifie, l’impact négatif de l’ouverture sur le coût de la R&D pourrait être remis en cause. La baisse de l’effort en R&D ne concernerait alors que ses stades amont (recherche) qui restent localisés au Nord, ce qui pourrait également ralentir la croissance de long terme, mais avec un certain retard [11].

Le revenu par tête

118À long terme, le scénario OW garantit le revenu par tête le plus élevé. Par ailleurs, le revenu par tête à l’autarcie rattrape celui existant à sa valeur concurrentielle (scénario O) au bout de soixante-quinze ans (graphique 12). Ces résultats s’expliquent entièrement par les conséquences de l’ouverture sur la R&D selon les différents scénarios. Le scénario OW conduit à une accélération de l’effort de R&D comparé aux deux scénarios A et O. De plus, le scénario O se traduit par un niveau de R&D plus faible qu’en situation autarcique.

119Le résultat est ici analysé en termes de revenu par tête et non de bien-être. Ce choix s’explique car aucun scénario n’est Pareto-supérieur aux autres puisque aucun d’entre eux n’améliore à tout moment la situation de certains ménages sans détériorer celle d’autres ménages (graphiques 7 et 8). En particulier, le scénario OW, qui domine en termes de croissance et de revenu par tête à long terme, améliore le revenu par tête des seuls non qualifiés employés à court terme. À long terme, il est supérieur aux autres pour tous les individus employés (qualifiés et non qualifiés), mais se traduit par un chômage chronique de certains non qualifiés.

La montée des inégalités au Nord : biais technologique versus ouverture Nord-Sud

120Dans notre modèle, biais technologique et ouverture Nord Sud interagissent pour expliquer la hausse de la prime de qualification, donc la montée des inégalités.

121En autarcie, la hausse de la prime de qualification s’explique exclusivement par un biais technologique endogène en faveur de la demande relative de travail qualifié H/L, qui touche à la fois les secteurs h et K. Ce biais ne provient pas d’une hausse de l’efficacité du facteur H, mais de mécanismes générés par la R&D dans la production des biens capitaux.

122Dans le secteur K, le biais technologique s’explique par l’augmentation de la demande de chercheurs dans l’activité de R&D [12]. Le progrès technique augmente la productivité dans la production de capital, entraîne une baisse de son prix, et donc une utilisation plus forte de ce facteur. La hausse de la demande de K favorise l’effort de R&D, et donc la demande de chercheurs.

123Dans le secteur h, la hausse de l’intensité en qualification est totalement liée à l’hypothèse de complémentarité relative entre capital et travail qualifié. La baisse du prix de K accroît la demande et l’utilisation de capital. La hausse de l’intensité capitalistique se traduit alors par une augmentation de l’intensité en qualification Hh/Lh en raison des différences de substituabilité entre les facteurs.

124À l’ouverture avec marchés du travail concurrentiels, le biais technologique et l’ouverture Nord-Sud se combinent pour pousser la prime de qualification. L’ouverture Nord-Sud est toutefois la cause essentielle de la montée des inégalités, d’autant plus qu’elle réduit le biais technologique.

125Les mécanismes du biais technologique en faveur de la qualification décrits pour le scénario A opèrent toujours dans le scénario O, mais leur intensité varie. La délocalisation au Sud du secteur l et du stade d’assemblage du capital diminue fortement la demande de travail non qualifié, d’où une hausse très sensible de la prime de qualification, une réduction de l’effort de R&D et un ralentissement de la croissance de la productivité comparés à l’autarcie (voir : a) L’impact de l’ouverture sur le progrès technique). L’ouverture Nord-Sud réduit alors le biais technologique, et le changement de spécialisation est la cause principale de la hausse des inégalités.

126Lorsque l’ouverture Nord-Sud s’accompagne d’un salaire minimum au Nord, la R&D et la croissance de la productivité augmentent sensiblement. Le biais technologique est donc accéléré et pousse la demande relative de qualification H/L. Au Nord, l’ouverture et le biais technologique se combinent pour augmenter fortement la demande de qualification. En effet, le salaire minimum empêchant le ralentissement de l’effort de R&D lié à l’ouverture, les deux explications (biais technologique et ouverture) se confortent l’une l’autre. De plus, en raison du salaire minimum, la combinaison ouverture-biais technologique se traduit à la fois par une hausse de la prime de qualification (égale par définition à celle qui prévaudrait en autarcie) et par une forte augmentation du chômage.

127Notons enfin que la hausse de la prime de qualification dans le scénario O, et celle du chômage dans le scénario OW, sont très sensibles. Ces évolutions, qui s’expliquent par l’impact puissant des délocalisations sur la demande de travail non qualifié, résultent également de certaines hypothèses simplificatrices. D’une part, une hausse de la dotation relative en qualification du Nord, en conformité avec les faits observés, se traduirait par une modération de ces évolutions. Un ralentissement peut également être obtenu en introduisant dans le modèle un secteur de biens non échangeables utilisant du travail non qualifié.

Politiques publiques

128L’interprétation des résultats du modèle ne doit pas conduire à considérer la politique de salaire minimum comme le moyen d’augmenter le bien-être social en réduisant les inégalités, ni comme le moyen approprié pour accélérer la croissance. En effet, il existe d’autres politiques permettant de prévenir l’accroissement des inégalités et de stimuler la R&D et la croissance de la productivité :

1291) Une politique d’éducation qui augmente la dotation relative en qualification

Quels sont les effets du progrès technique sur les inégalités de revenus ?
permet d’atteindre ces deux objectifs sans entraîner de chômage. Il faut néanmoins rappeler (i) qu’une telle politique ne peut être menée que sur le moyen et long terme, et (ii) que l’augmentation de la qualification assurant une progression des inégalités en ouverture Nord-Sud identique à celle de l’autarcie doit être rapide et massive.

1302) Une politique qui allie redistribution et subventions à l’emploi de chercheurs dans la R&D permet à la fois (i) de réduire les inégalités, (ii) de s’opposer à l’effet négatif sur le progrès technique de la hausse de la prime de qualification liée à l’ouverture, et (iii) de maintenir le plein emploi. De plus, si cette politique est financée par une taxe payée par les seuls travailleurs qualifiés, l’effet redistributif est amplifié. Il faut néanmoins souligner (i) qu’une simple politique de redistribution ne peut empêcher la réduction de l’effort de R&D puisqu’elle n’a aucun impact sur le coût des chercheurs, (ii) qu’une simple politique de subvention à la R&D tend à augmenter les inégalités, et (iii) qu’une politique redistributive se traduit par une forte hausse de l’imposition (Chusseau et Hellier [2006]).

131Pour qu’une politique de salaire minimum soit optimale, elle devrait donc (i) ne pas entraîner de chômage, comme dans une situation de monopsone, de salaire d’efficience (Rebitzer et Taylor [1995] ; Manning [1995]) ou de search (Kahn et Lang [1998]), et/ou (ii) stimuler l’accroissement du niveau général d’éducation (comme dans Cahuc et Michel [1996], ou Ravn et Sorensen [1999]). Dans ce cas, une politique de salaire minimum n’encouragerait pas seulement la R&D et la croissance de la productivité, mais également l’emploi et l’éducation.

132Il faut enfin rappeler que le scénario OW se traduit par un niveau de revenu par tête supérieur à celui observé (i) en autarcie (à tout moment), et (ii) en ouverture concurrentielle (après 23 périodes). En conséquence, une politique de redistribution comprenant des allocations chômage, pourrait garantir, pour tous les ménages, un revenu plus élevé dans le scénario OW que dans les deux autres scénarios.

CONCLUSION

133Dans un cadre analytique tendant à reproduire les caractéristiques de l’informatisation des processus productifs, nous avons étudié l’impact de l’ouverture Nord-Sud et de l’introduction d’un salaire minimum au Nord sur les inégalités, la dynamique du progrès technique et la croissance. Si, comparée à l’autarcie, l’ouverture avec salaires flexibles accroît nettement le revenu réel du Nord à court terme, elle réduit également l’effort de R&D, ralentit la productivité et augmente fortement les inégalités. Lorsque le Nord instaure un salaire minimum qui gomme l’accroissement de la prime de qualification lié à l’ouverture, il s’ensuit du chômage pour la main-d’œuvre non qualifiée, mais également une hausse de l’effort de R&D et de la croissance de la productivité, et donc une augmentation du revenu réel à long terme. Ces résultats inattendus s’expliquent par la combinaison de deux effets opposés de l’ouverture sur la R&D : l’élargissement du marché stimule le progrès technique, alors que l’augmentation de la prime de qualification le ralentit.

134Les forces qui empêchent la prime de qualification de s’accroître ont donc un impact positif sur la R&D, le progrès technique et la croissance de la productivité. En réalité, dans tous les pays du Nord, y compris les pays les moins égalitaires comme les États-Unis, la prime de qualification n’a jamais suffisamment augmenté pour éliminer complètement le chômage des non qualifiés. Suivant notre modèle, cela aurait réduit l’impact négatif sur la R&D et la productivité.

135Le modèle révèle ainsi une contradiction entre plein emploi et progrès technique, contradiction qui résulte de la variation de la prime de qualification. La prime de qualification doit augmenter pour assurer le plein emploi, ce qui freine le progrès technique. Pour stimuler la R&D sans créer du chômage, il est alors nécessaire d’accroître l’offre relative de travail qualifié, ce qui revient à augmenter le niveau de qualification de la population active. Une autre solution possible consiste à subventionner l’emploi des chercheurs, mais cela creuse les inégalités en poussant la prime de qualification dans les activités de production.

136Il peut alors exister des situations où le chômage transitoire est préférable à la solution concurrentielle. Si l’on suppose que toute politique d’éducation nécessite du temps pour accroître le niveau de qualification de la population active, la mise en place d’un salaire minimum et le chômage transitoire des non qualifiés qui en résulte permet de soutenir la R&D et le progrès technique. Lorsque la population récemment éduquée entre en nombre sur le marché du travail, le chômage disparaît, et l’économie est alors à un niveau technologique plus élevé que celui atteint dans un marché du travail concurrentiel.

ANNEXE

Décomposition analytique des trois effets déterminant l’effort de R&D

137Les mécanismes par lesquels l’ouverture agit sur le progrès technique peuvent être présentés analytiquement.

138En portant dans la relation déterminant la quantité optimale de chercheurs (équation R&D du tableau 2), (i) la condition de profit nul pour la production de capital

139

Quels sont les effets du progrès technique sur les inégalités de revenus ?

140et (ii) la relation définissant la demande de capital en économie ouverte

141

Quels sont les effets du progrès technique sur les inégalités de revenus ?

142on obtient la relation suivante qui définit la quantité de travail qualifié allouée à la R&D :

143

Quels sont les effets du progrès technique sur les inégalités de revenus ?

144Cette équation fait clairement apparaître trois effets déterminant l’effort de R&D dans notre modèle :

  1. un effet taille du marché
    Quels sont les effets du progrès technique sur les inégalités de revenus ?
    , qui agit positivement : l’ouverture au Sud augmente la demande globale d’un montant
    Quels sont les effets du progrès technique sur les inégalités de revenus ?
     ;
  2. un effet coût du travail qualifié (w ? wH/wL est le coût relatif d’un chercheur), qui agit négativement, et
  3. un effet prix du capital
    Quels sont les effets du progrès technique sur les inégalités de revenus ?
    , qui agit négativement.

Notes

  • [*]

    Equippe, Universités de Lille et Ifresi-cnrs.

  • [**]

    Equippe, Universités de Lille, Ifresi-cnrs, et len, Université de Nantes. Ustl, Cité Scientifique, Faculté des Sciences économique et sociales, 59655 Villeneuve d’Ascq Cedex.

  • [1]

    Les inégalités intragroupes (entre travailleurs de même qualification), qui ont également augmenté, ne sont pas analysées ici.

  • [2]

    Dans le cas de l’Italie, Manasse et al. [2004] montrent que l’ouverture aurait plutôt favorisé le travail peu qualifié. La situation où l’effet de l’ouverture Nord-Sud sur les inégalités au Nord reste ambigu a été théorisée par Askenazy [2005] qui introduit dans son modèle un secteur protégé de services.

  • [3]

    Feenstra et Hanson [1996], Acemoglu [1998], Moutos [2000], Glass et Saggi [2001], Manasse et Turrini [2001], Thoenig et Verdier [2003a et 2003b], Eckel [2003], etc.

  • [4]

    Nous remercions H. Sneessens qui a souligné que cette hypothèse pouvait également se justifier dès que l’on se situait à très long terme, ou lorsque la durée du capital était très courte comparée à la période analysée.

  • [5]

    Les simulations numériques ont été opérées sous Mathematica.

  • [6]

    Ces simulations sont disponibles auprès des auteurs.

  • [7]

    Un peu moins pour le scénario O, et un peu plus pour le scénario A.

  • [8]

    Des simulations ont été réalisées pour une croissance de la ptf de 45 %, correspondant à la croissance constatée pour les semi-conducteurs (voir Chusseau [2002]). Cette plus forte croissance de la ptf peut également s’interpréter comme la simulation d’une situation où, pour une croissance annuelle de 15 % de la ptf, la durée de vie du capital, et donc la durée d’une période, serait plus longue. Les résultats de ces simulations sont identiques à ceux présentés ici, les évolutions étant évidemment accélérées.

  • [9]

    L’impact des dotations absolues sur la R&D et la croissance est contrôlé par le choix du coefficient ?.

  • [10]

    De plus, Askenazy [2003] suppose un seul bien de consommation finale produit dans le Nord ou le Sud et Askenazy [2005] deux biens finals, un échangeable et l’autre protégé, alors que notre modèle pose deux biens finals échangeables qui diffèrent en intensités factorielles.

  • [11]

    Au début du processus, la partie « développement » de la R&D (aval) augmente puisqu’elle est délocalisée au Sud avec un coût réduit des chercheurs. Néanmoins, la réduction de la recherche pure (stade amont) ralentit la progression des connaissances fondamentales dans lesquelles puise le « développement ».

  • [12]

    La demande relative de travail qualifié dans le secteur K est (HK + HA)/(LK, avec HK/LK constant par définition de la fonction de production.

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  • Wood A. [1994], North-South trade, employment and inequality. Changing fortune in a skill-driven world, Oxford, Clarendon Press.

Quel peut être l'effet du progrès technique sur les revenus des plus qualifiés ?

Le progrès technique* exerce une influence importante sur le niveau des revenus issus du travail. Ainsi, depuis une vingtaine d'années, les économistes pensent que son évolution est biaisée** en faveur des salariés les plus qualifiés, l'informatique accroissant leur productivité et leurs rémunérations.

Quels sont les effets négatifs du progrès technique sur l'emploi ?

À court terme, le progrès technique détruit des emplois. L'introduction de nouvelles machines plus productives a en effet pour conséquence de réduire le nombre d'emplois nécessaires à la réalisation du volume de production désiré.

Comment le progrès technique Favorise

Le mécanisme de base est le suivant : les innovations technologiques stimulent la demande de main-d'œuvre qualifiée, et donc la hausse de sa rémunération, et suppriment des emplois non qualifiés. Cela a pour effet d'élargir les inégalités de salaires entre les plus et les moins diplômés.

Quelles sont les causes des inégalités de revenus ?

Quelles sont les causes de ces inégalités extrêmes ?.
Des politiques fiscales qui bénéficient aux ultra riches..
Santé, éducation, protection sociale : des services publics sous-financés..
Une absence de régulation des grandes entreprises..
Inégalités femmes-hommes au second plan..